Dans le chapitre précédent, Insomnie a grandi et j'ai bien réussi mon récital. 

Papa a décidé de faire d'Insomnie son héritier dans le sport. Il a commencé à lui apprendre à courir sur le tapis roulant. C'est épuisant pour ce pauvre cuisinier en herbe qui préférerait largement s'améliorer aux fourneaux que de s'épuiser sur le tapis de course mais bon, au moins, il prend du temps avec papa. Tant que ça lui fait plaisir, Insomnie n'est pas égoïste. Et il ne fait plus de vague.. 

Ça ne l'empêchera pas de retourner à la cuisine dès qu'il aura fini sa séance de sport intensive avec papa. Il est comme ça, Insomnie. Il est passionné. Rien ne l'empêchera d'accéder aux fourneaux. Et quand il y est, il est comme différent, enthousiaste, joyeux. Couper ses ingrédients, les mélanger dans le saladier, respirer l'odeur naturel des légumes de papa le rend proche de l'euphorie. Et, lorsqu'enfin il goûte son plat, je le sens comme libéré d'un lourd fardeau. Il sait que c'est bon et ça le rend content. 

C'est tout un travail de l'observer et ça me passionne. Il est tellement unique, tellement attentionné, tellement attachant, tellement.. parfait. Même s'il est plus grand que moi à présent, je ne le sens pas loin de moi pour autant. Enfin, j'espère qu'il ne sent pas que je fais en sorte d'être toujours non loin de lui. Je ne voudrais pas que.. tout change, je crois.

Comme l'avait prévu papa, les gnomes vampires ont commencé à se multiplier, changeant nos objets de la vie quotidienne en sosie d'eux même. C'était presque effrayant de la part de ce qui semble être de simples objets. Quelle genre de sorcellerie les a ainsi permis de se mouvoir et de prendre leur propres décision? 

La soir venu, ce fut à moi de grandir, de rejoindre Insomnie dans "la cour des grands". Cette fois, je ne laissa pas maman m'habiller. Fini les grosses lunettes rondes encombrantes et bienvenue à une petite paire de lunette bien plus légère et jolie pour une adolescente. Fini la robe robe flashy synonyme de repérage facile et de mère un peu trop poule et bonjour à un haut bleuté avec un jean, parfait pour se déplacer facilement et rapidement. 

Bien sûr, cette prise de position sur mes choix vestimentaires ne se firent pas sans heurt et maman en fut la première blessée. En me voyant dans ce petit haut, elle sembla étrangement contrariée. Elle en tut néanmoins la raison. J'imagine que de voir sa fille grandir la vieillissait. C'était récurant de voir des femmes supporter peu de voir leur corps changer, se dégrader, et ma prise de position la ramenait sans doute à ce concept. 

J'imagine que c'est pour ça que papa passe sa vie sur sa barre de traction ou son tapis de course? D'après certains de mes amis, il aurait pu être une superstar de sport, vu son niveau, mais ce n'est pas ce qu'il veut. Je crois qu'il veut juste vivre tranquille, avoir de quoi manger et dormir chaque soir et le reste du temps, il le passe à faire son sport. 

Insomnie: Tu ressembles à une vraie poubelle depuis que tu as grandi! 

Je pris la voix la plus enjôleuse que je pus afin de répondre à sa remarque. 

Midnight: Et toi, tu es une vrai ordure, c'est pour ça qu'on va si bien ensemble. 

Il ria franchement et je l'accompagna. Oui, c'était une plaisanterie, nous n'allions pas bien ensemble. C'est pour cela qu'il riait et que je l'accompagnais. Il n'était pas préoccupé par tout ce qui trottait dans ma tête, toutes ses idées amoureuses qui me paraissaient de moins en moins probable. 

Ce soir là, je me coucha très tôt alors qu'Insomnie et Eris restaient veillé tard comme d'habitude. Insomnie aimait regarder les émissions de cuisine de fin de soirée, d'après ses propres dires. Je ne sais pas vraiment de quelle genre de cuisine il s'agissait mais visiblement, ça le laissait dubitatif. 

Quand à Eris, elle discutait avec Pensil. Elle semble toute troublée sur cette photo, presque effrayée. Peut être racontait-elle ses crises au seul de la famille qui ne puisse pas les garder secrètes? 

Cette nuit là, je me réveilla tôt. Très tôt. Si tôt que je savais très bien que je croiserai sans doute Eris ou Insomnie allant se coucher. Si tôt que je dérangerais Pensil et Foxy en allant petit déjeuner. Ce n'était pas dans mes habitudes de rester trop longtemps dans ma chambre et donc il me serait obligé d'embêter le perroquet et le chat s'il venait à dormir sur le canapé ou le comptoir comme toujours. Ça valait le coût de lui acheter un coussin Confort+ à celui là! 

Oui, ma nuit était déjà prévue, ordonnée. 

Mais dans le couloir, j'entendis soudain des voix, une dispute. Quelque peu intriguée, je m'étais mise derrière la porte et j'avais écouté. Et j'avais entendu. J'avais entendu Eris demandé à Papa de partir, de quitter la maison. Elle regrettait qu'il est dû rester par sa faute. Elle regrettait d'être le boulet à ses pieds. Elle disait qu'ils pouvaient partir tous les deux maintenant, qu'il pouvait divorcer, que j'étais grande, que je n'avais plus besoin de lui, que je n'avais même jamais eu besoin de lui, qu'elle était en age de remplacer maman. 

Il refusait clairement, réfutait ce qu'Eris lui donnait. Il disait que moi, je n'avais pas eu besoin de lui mais qu'elle, elle aurait besoin de lui. Toujours. 

Elle ne l'écoutait pas. Elle continuait sa tirade. Et puis, elle s'arrêta sur ses mots: 

Eris: Je regrette franchement d'être née, si c'était juste pour casser des vies. C'est un bon résumé de ma vie, non? J'ai cassé la vie et l'utérus de maman et je t'ai empêché de vivre pleinement la tienne. Parce que c'est ce que j'ai fait, non? 

Il y eut ce que j’interprète comme le bruit d'une gifle puis celui d'une chute. Des pas légers fuyants et ces derniers mots tristes, clôture de leur discussion: 

Jaden: Pourquoi n'arrives-tu pas à comprendre mon attachement pour elles, Eris? Tu te renfermes sur toi même et tu ne comprends pas. Tu ne comprends pas que j'aime ta mère et tu ne comprends encore moins ce que tu représentes pour elle. Elle est peut être irresponsable et bornée mais elle regrette. Elle regrette tout. 

~Fin du chapitre 24~