• Chapitre 15

     Alors que la nuit était encore reine du ciel et de la terre, Jean René me donna rendez vous sur le pont pour discuter. Surprise, je ne perdis un instant et, encore en petite tenue, je l'y retrouvais, lui même dans son soyeux peignoir rouge. J'espérais qu'il m'annonce un miracle. 

    Je m'étais bien trompée. Il m'annonça le plus simplement du monde: 

    - Je te quitte. 

    Je crus ne pas avoir bien entendu, j’espérais n'avoir pas bien compris. Aussi demandais-je: 

    - Que veux tu dire? 

    - C'est fini entre nous, Haepali. J'aurais dû le faire bien avant. Il y a toujours eu une tension sexuelle entre Azurie et moi, à l'instant même où nous nous sommes retrouvés face à face pour la première fois. Je pensais qu'elle jouait avec mon cœur mais maintenant que je sais qu'elle veut que je sois le père de son enfant, je me rends compte que.. 

    - Elle te manipule et tu le sais très.. 

    - Je n'ai pas besoin de tes conseils! trancha-t-il avec colère. Je sais qu'être enceinte est la seule manière qu'elle a de survivre à cette maladie! Je n'ai pas besoin qu'une gamine me le dise. Tu as toujours fait la sourde oreille à mes propositions, à mes désirs, tu m'étouffes, tu me noies sous tes paroles. Et blablabla. Et blablabla.

    J'ai arrêté d'écouter à ce moment là, parce qu'il a continué et continué à tout me reprocher, même juste de tenter de sauver ma sœur. Et puis nous nous en sommes allés chacun de notre côté. 

    Chapitre 15

    J'étais dévastée mais les choses étaient désormais plus simples. Je n'avais plus à me soucier de Jean René, ni de la maladie de ma sœur. Pour la première fois depuis que j'avais posé le pied sur le bateau, je pouvais me permettre de faire ce qui me plaisait sans le moindre remord. 

    Ma passion étant la vinification, j'avais dors et déjà tout préparé dans la cave pour m'épanouir dans ce domaine. Je n'aurais jamais pu le faire si Jean René n'avait pas décidé de coucher avec ma sœur, c'était de loin la meilleure chose qui m'était arrivé depuis le départ. 

    Je passa un moment à écraser du fruit venant tout droit du jardin du toit avant de retourner me coucher, exténuée. 

    Chapitre 15

    Je fus réveillée quelques heures plus tard à peine par la mort elles même. 

    Jean-René s'était noyé.

    Je restais sans voix à la vue du corps sans vie de mon ex-petit copain. Il était encore en pyjama, il n'avait même pas quitté ses chaussons et on voulait me faire croire qu'il s'était noyé? Jean René avait d'ailleurs toute sa vie était sur un bateau, qu'il se noie n'avait aucun sens. 

    Chapitre 15

    Une fois le corps pris en charge par la mort, seules restaient sur le pont moi et Azurie. Nos pleurs résonnant ensemble à la même tragique nouvelle. 

    La seule personne qui aurait dû pouvoir mourir sur ce navire était moi. J'avais toujours été fragile, toujours été dans mes bouquins, quand Azurie, Odraz et Jean-René se battaient quotidiennement, étaient dans l'action et avaient une grande force de vivre. 

    Pourtant, Azurie était proche de la mort, on savait qu'elle ne passerait pas son prochain anniversaire et voilà que Jean René était mort, noyé dans des circonstances pour le moins suspecte. 

    Azurie ne pleura pas bien longtemps. Bientôt, elle s'approcha de moi. 

    Chapitre 15

    Elle me gifla avant de partir en courant, pleurant de plus belle. 

     

    Chapitre 15

    Plutôt que de me morfondre, je décidais d'aller chercher une bouteille du crue de ce matin. Certes, il n'avait pas encore fermentée mais j'étais persuadée que boire un peu remonterait le moral de ma sœur. Cela marcha plutôt bien et je réussie pour la première fois depuis bien longtemps à avoir une discussion avec elle. 

    Elle était convaincue que j'étais responsable de la mort de Jean-René. Je ne pouvais lui en vouloir. Avec lassitude, elle m'assura ne pas vouloir se venger. 

    Malgré tout, j'avais cette boule dans l'estomac, ce mauvais présentiment que ce n'était que le début de notre malheur. 

    Chapitre 15

     

    Azurie ne semblait plus si concernée après notre discussion. Elle abandonnait les aventures, arrêterait de se montrer si courageuse pour un rien et mettrait toute son énergie à concevoir quelque chose qui m'obligera à ne jamais l'oublier. Même si elle devait mourir de cette maladie, elle ne voulait pas être dans l'oubli. 


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  • 16.

    16

     Comprenant ce que pouvait ressentir ma sœur, je décidais de m'occuper de ses tâches. Je jardinerais aujourd'hui et aussi longtemps se sentira-t-elle mal. Je ne veux plus me mentir. Des gens ayant fait des études mettent des dizaines d'années, pour concevoir un remède en ayant un certain budget, la capacité de rechercher et de tester. 

    Toute seule sur ce bateau, il n'y a aucune chance pour que je trouve un remède. Ma sœur ne restera pas en vie très longtemps, c'est le moment ou jamais de bâtir des souvenirs avec elle, de la photographier, de la câliner tant que je le peux encore. Demain, ce sera peut être trop tard. 

    Je veux garder une image positive d'elle, la chérire. 

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    Pendant ce temps, Azurie semblait continuer de s'épanouir dans la peinture. Elle avait commencé du jour au lendemain mais cela semblait bien marcher pour elle, je ne pouvais que l'encourager à continuer dans cette voie. C'est donc en sous vêtements qu'elle commençait le matin alors que je m'occupais du jardin. 

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     Son dessin fini, elle observa la mer un moment, réfléchissant sûrement à sa situation ou espérant appercevoir du haut du gouvernail une île se dessiner, le moindre espoir revenir. 

    Mais bien sûr, ça n'arriva pas et, déçue, elle descendit se baigner un moment dans la mer.  

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    Du jardin, je la voyais tristement faire des ronds derrière le bateau. 

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    Sans hésiter, ma tâche juste accomplie, je décidais de la rejoindre dans l'eau.

    Au début, c'était le silence, nous n'osions nous regarder. C'était la première fois que je nageais depuis notre arrivée sur le bateau. J'étais quelque peu effrayée, je n'étais pas une grande nageuse et avait toujours une certaine peur de l'eau. Mais si c'était pour rejoindre ma sœur, j'aurais nager des chutes à contre courant juste pour lui demander comme elle allait. El c'est d'ailleurs ce que je fis: 

    - Comment vas tu, Azurie? Tu tiens le coup? 

    Elle releva la tête et, a moment où nos regards se croisèrent, le monde sembla se transformer.

    16.

     *clic* 

    Le bruit d'un appareil prenant une photo se fait entendre. Je découvre un homme et une femme proche d'une barrière. Ils sont à une certaine distance l'un de l'autre, l'homme porte une tenue très banale alors que la femme porte des vêtements très originaux.

    En arrière plan, une femme se baigne. Il semble qu'elle soit loin de tout mais peut être y a-t-il une plage à un angle mort.  

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    Nous ne tardions pas à sortir de l'eau, Azurie semble pâle. Nous nous posons sur les transat et elle me raconte ce qu'elle a vu. Nous avons donc eu la même vison à ce moment là. 

    Elle me demande, presque paniquée: 

    - Pourquoi avons nous eu cette vision? 

    - Un homme qui prend une photo souvenir d'une femme aléatoire se baignant à 500 mètre de la rive... 

    Elle me coupa fermement: 

    - J'ai pas l'impression qu'ils étaient sur la rive. Et je n'ai pas l'impression non plus qu'il y ait eu une plage à proximité. 

    En effet, il y avait quelque chose de très louche avec cette vision. J'acquissais, ne trouvant rien à redire sur son jugement. Il n'était de toute façon pas temps pour se débattre avec elle d'une stupide vision qui, pour tout ce que j'en sais, pourrait juste être une hallucination collective causée par un truc dans l'eau. 

    16

    Nous finîmes la soirée en jouant à deux aux dominos. 

    Je laissa Azurie gagner mais non sans lui donner l'illusion de me battre. Je veux que ses derniers jours soient les meilleurs de sa vie. Notre anniversaire arrive à grand pas. 


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  • 17.

    Le réveil est difficile aujourd'hui, plus encore que d'habitude. Dans ma tête, j'entends le temps qui court, qui file. A-t-il besoin d'aller si vite, de filer sans jamais regarder en arrière? En a-t-il vraiment besoin? Ne peut il pas s'arrêter ne serait ce qu'une petite journée? Nous laisser le temps de nous reposer avant de nous jeter une nouvelle tragédie. 

    Seule dans ma chambre, ce matin, les larmes ne cessent de couler sur mes joues, de courir sur mes jours. Mes yeux me font mal, mon cœur me fait mal, ma tête me fait mal et pourtant je ne peux me recoucher, je ne peux me laisser abattre. 

    17.

    Ce matin, Azurie ne quitte pas le télescope, espérant apercevoir au loin le moindre espoir, le moindre signe d'une civilisation. Mais il n'y a rien, pas la moindre trace de civilisation, pas la moindre trace d'une île, d'un îlot, d'une terre sur laquelle se poser. 

    J'aimerais tant pouvoir l'aider à aller mieux mais moi même ne suit pas dans l'état de réconforter qui que ce soit, c'est donc tristement que je monte vers le jardin pour m'en occuper. 

    17.

    Derrière moi, j'entends la voix d'Odraz. C'est bien qu'elle ne soit pas toute seule, je sais combien la présence d'Odraz peut être rassurant pour elle. Depuis son retour de l'internat, les deux sont basiquement tout le temps ensemble, c'est proche du miracle si j'ai pu passer deux jours avec elle, seulement. 

    17.

    Je ne pourrait pas la rassurer aussi bien qu'Odraz le fait, je ne pourrais pas la divertir en ces temps difficiles, pas plus que je ne pourrais lui faire penser à autre chose. 

    Et Odraz le fait, il arrive lui faire penser à autre chose. Il arrive à lui faire passer du bon temps alors que l'échéance est si proche. Il arrive à se montrer optimiste et rassurant. Il doit être aussi brisé intérieurement que je le suis et c'est pourquoi nous ne pouvons être dans la même pièce sans nous chamailler. Et pourtant devant Azurie, il fait comme si de rien était. Il ne la traite pas comme un patient en phase terminal mais comme sa petite sœur. 

    Je l'envie. 

    17.

    Il n'est pas le seul à être capable de faire abstraction de son état pour lui faire passer des derniers moments de qualité mais il est certainement le plus proche d'Azurie et il est le direct responsable de son état. 

    Je ne peux imaginer le poids que ça pèse sur ses épaules. Probablement le même poids qui me donne envie de retourner rechercher ce que je sais être une utopie. 

    17.

    17.

    Alors je m'active sur le bateau, je m'occupe du jardin, du ménage, des réparations. Le moindre moment d'inactivité, je me sens seule avec moi même. Et moi même n'est pas du genre à complimenté le gâteau avant d'attaquer la pâtissière.  

    17.

    Nous n'avons plus de courant depuis le matin. C'est une horreur de se balader dans la cale tellement il fait noir. Seule Diane semble bien s'y plaire, on la voit encore moins que d'habitude. Azurie était dedans lorsque le courant a définitivement disparu, elle rechigne à y retourner. 

    17.

    Odraz passera donc la journée à pêcher. Le reste de nos provisions n'a pas une bonne tête et on ne peut pas vraiment se permettre d'avoir des malades à bord. 

    17.

    Azurie, elle, a continué à changé le bateau en œuvre d'art. Avec sa bombe à peinture, elle a méticuleusement continué à s'exprimer sur les sols et murs de notre résidence flottante. 

    17.

    Ce soir, nous mangerons donc du poisson tous ensemble. Diane nous a même rejoint, nous signalant tout de même que ça ne la rassasiait pas. 

    Le sang se perd très vite, il en reste encore dans une petite glacière mais d'ici quelques jours, nous aurons une vampire assoiffée sur le dos. Elle même n'a pas idée de ce qui se passera lorsque ça arrivera. Peut être devrons nous la laisser boire notre sang. 

    17.

    Et bien sûr, comme toujours, le calme n'a duré qu'un temps et alors qu'Azurie et Nocturna retournaient à la cale, Odraz me prit à part pour me reprocher encore et toujours mon inaction. C'était blessant, ça me révoltait mais je me contenta de prendre sur moi, de ne pas lui répondre. 

    Ses insultes me blessaient davantage encore que ce que mes pensées ne pouvaient le faire. Je comprenais son point de vue, c'était le pire. Je savais ce qu'il ressentait,. Cette haine qu'il avait pour moi, j'avais la même.

    Alors je ne pouvais que me taire, qu'accepter ses insultes, ses abus. 

    Abandonner, laisser Azurie s'en aller était une étape nécessaire mais douloureuse. Pour moi comme pour lui. Le pourrait il seulement, cela dit? 


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